Loi et reglement

La Cour de cassation est polyglotte et use de cette qualité pour interpréter un règlement européen relatif à l’indemnisation des passagers d’un transport aérien.

Les textes législatifs peuvent parfois se révéler ambigus et difficiles à interpréter.  Les textes européens ne font pas exception à la règle mais ils ont un avantage indéniable sur les lois nationales. Ils sont traduits dans les différentes langues parlées dans l’Union Européenne. 

Ainsi le lecteur qui souhaite discerner l’esprit d’une disposition obscure issue d’une directive ou d’un règlement européen a, à sa disposition, différentes versions linguistiques qu’il peut comparer et dont il peut déduire la bonne interprétation.  Cette technique est connue et utilisée régulièrement par les praticiens.  Ce qui est moins habituel, c’est que la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français la pratique également et en fait même état dans ses décisions pour étayer son interprétation.

C’est ce qu’a fait la Cour de cassation française dans un arrêt du 6 janvier 2021 (Cass. civ. 1, 6 janvier 2021, n° 19-19.940, F-P[1]) à propos du paragraphe 3 de l’article 3 du Règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol. Outre la décision claire de la Cour confirmant que le bénéfice de l’indemnisation forfaitaire pour annulation ou retard de vol est exclu non seulement pour les passagers qui voyagent à un tarif réduit non directement ou indirectement accessible au public mais également pour ceux qui voyagent gratuitement (le membre de phrase « non directement ou indirectement accessible au public » ne se rapportant qu’aux termes « tarif réduit » et non à « gratuitement »), cet arrêt nous enseigne aussi qu’en présence d’un texte européen susceptible d’être interprété de différentes façons, il sera utile et nécessaire de fournir à la juridiction, devant laquelle le texte est débattu, les différentes traductions de celui-ci afin d’emporter plus sûrement sa conviction sur l’interprétation à retenir et lui permettre de les utiliser, à l’instar de la Cour de cassation, comme éléments complémentaires de motivation de son jugement.


[1] https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/arrets_publies_2986/premiere_chambre_civile_3169/2021_9993/janvier_9994/7_06_46260.html

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